« Mort à Venise », le film de Luchino Visconti inspiré du livre de Thomas Mann, risque bientôt de voir la mort réelle de Venise. Elle se voit également victime de l’invasion touristique. Une ruée qui, en conséquence, chasse les habitants de la Cité des Doges. Ainsi, raconte le « Wall Street Journal », le marché aux poissons du Rialto, la Pescheria se trouve en péril. Son origine remonterait au XIIIe siècle et il n’y aura bientôt plus qu’une sorte de musée tant effectivement, les Vénitiens l’ont déserté. L’invasion transforme désormais Venise en Disneyland empêchant toute vie normale pour des résidents. Les prix du logement se sont envolés alors qu’en dehors du tourisme, les emplois se font rares à Venise.

Une mort annoncée

Le romantisme des gondoles à Venise

La population de la Sérénissime est ainsi passée de 175.000 dans les années 1950 à environ 53.000. Alors qu’en moyenne 82.000 visiteurs sont présents chaque jour dans la cité lacustre. Preuve de cette mort lente, le marché aux poissons de Venise n’a plus que six étals (dix-huit il y a une quinzaine d’années). Aujourd’hui, un emplacement double se vend 40.000 euros contre 100.000 à 150.000 euros il y a une dizaine d’années.

« Nous sommes le cœur de la cité. Si le cœur s’arrête de battre, la ville mourra. »

affirme au journal Andrea Vio, poissonnier à la Pescheria depuis plus de quarante ans.

« Cela pourrait être la dernière génération de Vénitiens nés à Venise. »

redoute-t-il ainsi.

Marché aux Poissons du Rialto

Marché aux Poissons du Rialto.

Déplacement de population

Nombre de Vénitiens se sont en effet exilés dans les villes voisines de Venise comme Mestre. Et à son tour, cette ville enregistre une inflation des loyers et du prix des logements. Au rythme de l’arrivée des navires géants de croisière, le futur de la cité lacustre ne s’annonce pas florissant. Des fournées de touristes sur les vaporettos ou encore de piétons débarquent de la gare Santa-Lucia. Il s’avèrera bientôt impossible de mourir sur la plage en face du grand hôtel du Lido comme le personnage. Gustav von Aschenbach (inspiré de Gustav Mahler), incarné par Dirk Bogarde.

Venise s’étend sur un ensemble de 121 petites îles séparées par un réseau de canaux et reliées par 435 ponts. Située au milieu de la lagune vénète, entre les estuaires du et du Piave, Venise est renommée pour cet emplacement exceptionnel ainsi que pour son architecture et son patrimoine culturel, qui lui valent une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Venise est la capitale de la région de la Vénétie. En 2012, la commune compte 269 810 habitants, dont 58 666 intra-muros (Centrè storico1). 176 000 résident sur les rives (Terraferma), pour la plupart dans les frazioni de Mestre et Marghera, et les 31 000 habitants restants résident dans d’autres îles de la lagune. Avec Padoue et Trévise, Venise constitue l’aire métropolitaine Padoue-Trévise-Venise (PATREVE), une entité statistique de 1 600 000 habitants.

Les origines de Venise

Fondée peu après 528 par des réfugiés fuyant l’invasion lombarde, elle fut la capitale pendant onze siècles, de 697-1797 de la république de Venise. Durant le Moyen Âge et la Renaissance, la ville fut une grande puissance maritime, à l’origine de la Quatrième croisade et victorieuse lors de la bataille de Lépante en 1571 contre l’Empire ottoman. Grâce à ses liens avec l’Asie et le Proche-Orient, dont le marchand et explorateur Marco Polo fut l’initiateur, elle devint également l’une des principales places commerciales d’Europe, notamment de la soie, des céréales et des épices. Enfin, elle est un centre culturel majeur, du XIIIe à la fin du XVIIe siècle, dont les peintres de l’École vénitienne (dont Titien, Véronèse et le Tintoret), Carlo Goldoni et Antonio Vivaldi sont les principaux représentants.

Son nom provient du peuple qui habitait la région avant le Xe siècle, les Vénètes. Dénommée Venetiae en latin, elle est parfois surnommée la « Cité des Doges », la « Sérénissime », la « Reine de l’Adriatique », la « Cité des Eaux », la « Cité des Masques », la « Cité des Ponts » ou encore la « Cité flottante ». La ville est aujourd’hui célèbre pour ses canaux — notamment le Grand Canal — et ses gondoles, ses nombreuses églises, la place Saint-Marc, le palais des Doges, le Pont des Soupirs, sa Biennale ainsi que son carnaval.

Le palais des Doges à Venise la nuit

Le palais des Doges à Venise la nuit.

L’histoire de Venise

Les clés de la domination économique de Venise sur l’Italie au Moyen Âge sont l’insularité et l’aisance navale des Vénitiens qui n’a cessé de croître pendant plus d’un millénaire.

La région à l’extrémité nord-ouest de la mer Adriatique, où se jettent plusieurs fleuves issus des Alpes, est habitée dès l’Antiquité par des pêcheurs, mariniers et saulniers. Cette zone faisait partie de la région X créée par Auguste. Cette région fut nommée ensuite Venetia du nom des Vénètes, ancien peuple italique intégré dans la République romaine dès le IIe siècle av. J.-C. ; Aquilée — sur la terre ferme — était le centre religieux et portuaire important.

Les invasions des Goths d’Alaric Ier et des Huns d’Attila poussèrent les populations locales à se réfugier dans les îles des marais situés le long de la mer Adriatique, près du delta du Pô. Selon la légende développée ultérieurement par les Vénitiens pour démontrer l’ancienneté de leur cité et la lointaine origine de leur liberté, Venise aurait été fondée le 25 mars 421 dans les îlots du rivus altus, qui est devenu le Rialto.

En 452, un premier établissement est fondé par des réfugiés de Padoue et d’Aquilée. La région échut par la suite au royaume ostrogoth.

Entre 535 et 552, l’empereur romain d’Orient Justinien Ier entrepris de reprendre le contrôle de l’Italie et la Vénétie fut reconquise par le général Bélisaire, devenant une province de l’Empire romain d’Orient.

Les Lombards

Lorsque les Lombards envahirent l’Italie du nord en 568, des habitants des régions voisines vinrent se réfugier en nombre dans les îles de la lagune formée par l’estuaire du car cette zone marécageuse, difficile d’accès pour des navires à quille, était restée sous la juridiction de l’exarchat de Ravenne, province de l’Empire romain d’Orient. La ville de Venise fondée vers la fin du VIe siècle est ainsi un refuge de la civilisation romano-byzantine, ce qu’elle va rester pendant plus de deux siècles.

Profitant de l’antagonisme entre l’exarchat de Ravenne et les Lombards, les Vénitiens accrurent leur autonomie et se dotèrent d’un pouvoir local incarné par le premier duc ou « doge » (du latin dux, chef), Paolucio Anafesto (697-717), personnage aux confins de la légende et de l’histoire. Comme les Lombards, les Francs tentent d’envahir sans succès les îles, et lorsqu’il est couronné empereur du Saint-Empire romain par le pape en 800, Charlemagne abandonna le duché de Vénétie. Ce fut donc le seul territoire à rester sous l’influence de Constantinople.

La ville de Venise ne devint réellement indépendante qu’après le retrait des Byzantins de l’Adriatique, peu après l’an 1000, lors de l’émergence du royaume de Hongrie. La cité-État s’appuya dès lors sur la mer pour étendre son pouvoir.

Sa puissance économique

Le commerce du sel, puis l’expansion commerciale vers la Méditerranée orientale, entraînèrent une forte croissance de la ville. À partir de là on voit pousser les palais de marbre comme des champignons. Après la 4e croisade, que Venise détourna sur Constantinople, la République s’empare des richesses de l’Empire byzantin et constitue son propre empire maritime constitué par la plupart des îles grecques et dalmates. Elle le complète en conquérant la Dalmatie continentale, l’Istrie et un vaste domaine entre les Alpes et le Pô, incluant les cités de Bergame, Brescia, Vérone, Padoue, Trévise et Udine. Elle entre en conflit avec Gênes, sa grande rivale en Italie du nord et en Méditerranée. L’apogée de cette lutte est la quatrième guerre génoise, autrement nommée guerre de Chioggia. Venise sortit vainqueur du conflit, mais très épuisée. Le traité de Turin, en 1381, ne lui fut pas particulièrement avantageux : malgré sa victoire, Venise dut renoncer à des territoires et concéder certains droits à sa rivale. Elle perdait Trévise et la Dalmatie qui revenait au roi de Hongrie. Cependant elle conservait ses institutions et ses principales colonies.

La ville a armé une flotte de 6 000 galères, lui permettant de prendre des risques, sous forme de convois réguliers, pour régner sur la mer Méditerranée. Le quartier du Rialto est la première bourse organisée, selon l’historien Fernand Braudel. Les marchands y échangent des participations dans les galères vénitiennes, mises aux enchères selon le système de l’Incanto des galées du marché. Venise devient ainsi le plus important port de Méditerranée, surclassant Constantinople. Il lui fallut conquérir des terres sur la lagune.

Son déclin

Le déclin commença avec la progression ottomane en Méditerranée, qui la priva progressivement de toutes ses terres grecques, à l’exception des Îles Ioniennes, et de ses accès aux débouchés de la Route de la Soie. Elle fut en plus très touchée par la peste noire. Malgré la victoire sur les Ottomans à Lépante en 1571, la république de Venise perdit encore de son importance commerciale à cause du détournement du commerce européen vers les océans après la découverte de l’Amérique.

Venise maintient son rayonnement culturel, en devenant la ville européenne la plus élégante et raffinée du XVIIIe siècle, avec une forte influence sur l’art, l’architecture et la littérature.

Redevenue politiquement un État italien parmi d’autres, Venise fut annexée par Napoléon Bonaparte le 12 mai 1797, durant la Première Coalition. L’invasion des Français mit un terme à près de 800 ans d’indépendance. Bonaparte fut cependant perçu comme une sorte de libérateur par la population pauvre et juive de Venise (it), république aristocratique où le pouvoir et la plupart des richesses étaient monopolisés par quelques familles. Bonaparte supprima les barrières du Ghetto ainsi que les restrictions de circulation imposées aux Juifs.

L’influence de Napoléon Bonaparte

En 1797, par le traité de Campo-Formio, Bonaparte livra Venise et ses territoires aux Habsbourg en échange de la Belgique, puis il la leur reprit en 1805 pour l’intégrer au royaume d’Italie dont il se fit couronner roi, avant que la ville ne fût intégrée dans l’Empire d’Autriche de 1815 à 1866. La domination autrichienne sur Venise et la Vénétie ne s’acheva que le 3 octobre 1866 après sa défaite de Sadowa contre l’alliance prusso-italienne. Venise devint un chef-lieu de province italien et l’un des hauts lieux du tourisme mondial.

Après la Première Guerre mondiale, l’Italie revendiqua à l’Autriche vaincue l’ensemble des territoires jadis vénitiens, mais se heurta aux revendications yougoslaves et n’obtint au Traité de Rapallo que l’Istrie, la ville de Zara en Dalmatie et les îles de Veglia, Cherso et Lagosta. Le ressentiment développé à ce moment contribua au succès ultérieur de Mussolini.

Le 29 avril 1945, la ville est libérée par des unités de la VIIIe Armée britannique.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Italie perdit aussi ces possessions au profit de la Yougoslavie, ne conservant que Trieste, qui ne fait pas partie des territoires jadis vénitiens, mais où se réfugièrent les populations italophones expulsées de Yougoslavie.

L’architecture gothique vénitienne

L’architecture vénitienne est la variante locale du style architectural gothique italien de Venise, avec une confluence d’influences provenant des exigences locales en matière de construction, certaines influences de l’architecture byzantine et d’autres de l’architecture islamique, reflétant le réseau commercial de Venise. Très inhabituel dans l’architecture médiévale, ce style est à la fois le plus caractéristique des bâtiments séculiers et la grande majorité de ceux qui ont survécu sont séculiers.

Situation de Venise

Venise est construite sur de la boue alluviale et tous les bâtiments de la ville étaient, et le sont encore pour la plupart, soutenus par un grand nombre de pieux de bois, enfoncés dans la boue. Au-dessus, le matériau de construction normal est la brique, bien que les grandes façades aient été généralement revêtues de pierre d’Istrie, un calcaire fin qui n’est pas strictement du marbre, bien que ce soit souvent le nom donné. La pierre provenait, par la mer, de carrières d’Istrie, dans l’actuelle Croatie.

D’autres pierres de couleurs différentes étaient souvent utilisées pour le contraste, notamment une pierre rouge de Vérone. Le stuc marmorino (en), fabriqué à partir de fragments de calcaire, de brique et de terre cuite broyés, était la finition typique des murs intérieurs et parfois extérieurs. Les plafonds plats, soutenus par des poutres en bois, étaient préférés aux voûtes, qui pouvaient se fissurer lorsque le bâtiment se posait sur les fondations sur pilotis. La ville principale était déjà très largement construite, avec des bâtiments serrés dans le centre. C’est ce que montre clairement l’énorme gravure sur bois, de Jacopo de’ Barbari, Vue de Venise (en) avec une représentation surélevée de la ville, en 1500. Comme les bâtiments étaient très entassés, Venise était encore plus sujette aux incendies que les autres centres-villes italiens, ce qui a créé le besoin d’un grand nombre de nouveaux bâtiments.

 

Copyright 2023 Tous droits réservés